Au sommaire de cet article...
- 1/ Le principe : la non-imposition des gains tirés des jeux de hasard.
- 2/ L’exception : les gains tirés par un joueur professionnel de poker maîtrisant de façon significative l’aléa inhérent à ce jeu.
- 3/ Quid des gains tirés des paris sportifs effectués par un joueur professionnel ?
1/ Le principe : la non-imposition des gains tirés des jeux de hasard.
Les gains tirés des jeux de hasard ne sont pas imposés à l’impôt sur le revenu (IR). Ce principe est désormais bien établi et en accord avec l'article 92 du Code général des impôts. Ce dernier précise que :
« sont considérés comme provenant de l’exercice d’une profession non commerciale ou comme revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux, les bénéfices des professions libérales, des charges et offices dont les titulaires n’ont pas la qualité de commerçants et de toutes occupations, exploitations lucratives et sources de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus ».
Selon l’administration fiscale, la pratique des jeux de pur hasard tels que la loterie, les tombolas ou d'autres jeux où le joueur n’a aucune maîtrise de l’aléa ne constitue pas une occupation lucrative ou une source de profits, donc ne donne pas lieu à imposition pour les participants.
Le Conseil d’État a également confirmé ce principe dans une décision relative à la loterie datant de 1976. Une affaire récente a mis en lumière des ambiguïtés : un individu a trouvé un ticket gagnant du jeu « Euro Millions » d’une valeur de 163 millions d’euros. Le véritable joueur, ayant perdu le ticket, s’est identifié. La Française des Jeux a refusé de verser le gain sans accord entre eux, entraînant des complications juridiques concernant une indemnité de 12 millions d’euros. L’administration fiscale a tenté de considérer cette somme comme imposable, argumentant qu’elle relevait d’une plus-value sur la cession d’un bien meuble.
Le tribunal administratif a d’abord donné raison au contribuable, n’étant pas le propriétaire du ticket, mais en appel, l’administration a soutenu que l’indemnité était la contrepartie d’un service, donc imposable. La cour d’appel a invalidé cette interprétation, arguant que le gain était accidentel, et le Conseil d’État a validé ce jugement.
2/ L’exception : les gains tirés par un joueur professionnel de poker maîtrisant de façon significative l’aléa inhérent à ce jeu.
Dans une décision du 21 juin 2018, le Conseil d’État a précisé que, même si la pratique habituelle des jeux de hasard n'est pas considérée comme une source de profit imposable, il en va différemment pour les joueurs de poker qui parviennent à maîtriser l'aléa grâce à leurs compétences.
Les gains sont alors imposables selon l’article 92, car ils proviennent d'une activité qui mobilise un savoir-faire spécifique et génère des revenus significatifs. Les juges examinent le nombre de participations à des jeux de poker ainsi que l’expertise du joueur dans ce domaine.
Un exemple marquant est celui d’un joueur ayant participé à de nombreux tournois en ligne et en direct, générant des bénéfices nets conséquents. Ainsi, dans une décision de la Cour administrative d’appel de Bordeaux, les juges ont constaté qu’un joueur avait réalisé des bénéfices nets de 638 968 € en 2013 et 23 976 € en 2014, justifiant ainsi son statut de joueur professionnel soumis à l’imposition.
De même, une analyse des revenus d’un joueur sur plusieurs années a révélé des gains mensuels significatifs, dépassant largement les revenus que l’on pourrait considérer comme d’un simple amateur, ce qui a mené à des décisions similaires concernant leur classification fiscale.
Le fait de figurer dans le classement des meilleurs joueurs de poker, sans autres sources de revenus, constitue également un indice fort pour établir le caractère lucratif de l’activité.
3/ Quid des gains tirés des paris sportifs effectués par un joueur professionnel ?
Actuellement, le principe s'appliquant aux paris sportifs est similaire à celui des jeux de hasard : ils ne sont généralement pas imposés. Toutefois, la jurisprudence fait une distinction importante entre les joueurs professionnels de poker et ceux engagés dans des paris sportifs, car ces derniers s’appuient souvent sur des analyses statistiques et des probabilités. Les gains tirés des paris sportifs sont considérés comme plus aléatoires, sauf circonstances exceptionnelles.
Certaines situations pourraient modifier cette règle, notamment lorsque des pratiques comme le « surebet » ou la conversion des « freebets » en gains réels sont en jeu. Le « surebet » est un pari qui garantit un gain quel que soit le résultat d’un événement sportif, et les bookmakers peuvent parfois offrir des cotes "boostées" rendant ces paris très attractifs.
Le « freebet » est un pari gratuit qui, lorsqu'il est gagné, permet de retirer uniquement le gain net. Pour convertir ce type de pari en argent, le parieur doit souvent combiner plusieurs paris, ce qui peut réduire le risque global. Ce type de stratégie pourrait également éveiller l'intérêt de l'administration fiscale, bien que le jugement concernant leur taxation reste en suspens.
Actuellement, le tribunal fiscal n'a pas encore statué sur ces nouvelles pratiques, laissant place à des incertitudes pour les parieurs.