La Société des casinos, par l’entremise de ses opérations au Casino de Montréal, se retrouve sous le feu des critiques. En effet, la Confédération des syndicats nationaux (CSN) a récemment signalé une utilisation controversée de briseurs de grève agissant en tant qu'agents de sécurité. Cette accusation a été formulée dans le cadre d'une plainte officielle déposée auprès du Tribunal administratif du travail (TAT) la semaine dernière, marquant ainsi un moment historique puisque c'est la première fois que cette branche de Loto-Québec fait face à une telle accusation.
Selon les allégations posées, sept employés auraient violé les règles stipulées dans le Code du travail en s'occupant de tâches qui relèvent clairement de la responsabilité des agents de sécurité au sein du Casino. Ces agents sont en grève générale illimitée depuis le 23 juin dernier, ce qui a mis en lumière leurs revendications et le conflit en cours. Cette plainte, qui a été obtenue par le quotidien La Presse, soulève des questions crucielles concernant la légalité de l'utilisation des briseurs de grève dans une entreprise publique telle que celle-ci.
Six des employés ciblés par cette plainte ne sont ni syndiqués ni considérés comme des cadres. En revanche, le septième employé est un cadre qui aurait été engagé après le début de la grève, une mesure qui soulève des doutes quant au respect des normes du travail. Le Syndicat des employées et employés de la sécurité physique du Casino de Montréal-CSN, représentant environ 82 membres, se dit particulièrement préoccupé par cette situation, car presque tous ces membres occupent des postes d'agents de sécurité. Ils demandent fermement que le TAT émette une ordonnance pour interdire à la Société des casinos d'employer ces sept individus dans des rôles qui devraient être réservés à des membres du syndicat.
« Loto-Québec se conforme au Code du travail et nous n’avons pas recours à des briseurs de grève pour effectuer les tâches des employés syndiqués », a rapidement répondu Renaud Dugas, le porte-parole de Loto-Québec, par le biais d'un courriel. Sa déclaration vise à rassurer le public et les employés sur le fait que l'entreprise respecte les lois en vigueur.
De plus, M. Dugas a exprimé que Loto-Québec n'était pas surpris par cette plainte, surtout compte tenu des efforts déployés pour maintenir les opérations dans ses casinos au cours de la grève. Environ 1100 employés, représentant essentiellement presque l'ensemble du personnel syndiqué au Casino de Montréal, ont décidé de faire grève, à l'exception des croupiers, selon un résumé fourni par la CSN.
PHOTO DOMINIC MORISSETTE, FOURNIE PAR LA CSN
Manifestation devant le Casino de Montréal
À l'échelle plus large, on compte environ 1700 employés répartis à travers les casinos de Montréal, Charlevoix, Lac-Leamy et Mont-Tremblant, ainsi que des travailleurs de bureau, qui sont en grève depuis plus de dix semaines. Ce mouvement a conduit le Casino de Montréal à limiter ses heures d'opération, n'ouvrant qu'à partir de 14 heures et suspendant certains services jugés non essentiels.
Une première
« Ce qui nous interpelle dans ce cas particulier, c’est que l’on parle d'une société d'État », a souligné Caroline Senneville, présidente de la CSN, dans le cadre d'une entrevue accordée aux médias. Cette situation est d'autant plus préoccupante lorsque l'on considère que ces employés représentent une main-d'œuvre au service du public, ce qui devrait garantir le respect des droits des travailleurs.
PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE
La présidente de la Confédération des syndicats nationaux, Caroline Senneville
S’ils ne sont pas exemplaires à la table de négo, qu’ils le soient au moins par rapport à l’utilisation de briseurs de grève, parce que c’est illégal !
Caroline Senneville, présidente de la CSN
La Société des casinos est une filiale de Loto-Québec, qui agit en tant que société d’État sous l'égide du ministère des Finances. Cette plainte déposée au TAT constitue une première dans le contexte actuel des relations de travail au sein de cette institution.
« Je n’ai pas trouvé d’autres dossiers touchant la Société des casinos et la disposition antibriseurs de grève », a précisé un porte-parole du TAT. Les allégations mentionnées dans la plainte portent notamment sur le fait que certains employés ont été observés en train de réaliser des activités de surveillance et de conduire des véhicules de sécurité, ce qui soulève des questions éthiques et juridiques quant à leur engagement.
Un des salariés en question occupe également un poste que l'on pourrait qualifier de conseiller en marketing, tandis que cinq autres sont désignés comme enquêteurs, avec des tâches généralement réservées à des fonctions de bureau, destinées à enquêter sur des situations délictuelles, frauduleuses ou illégales. Par ailleurs, le cadre cité dans la plainte aurait été recruté après le début des négociations, ce qui ajoute une couche de complexité à l'affaire et soulève plus de questions sur la bonne foi des employeurs.
Au-delà de la ligne de piquetage
Finn Makela, professeur à la faculté de droit de l’Université de Sherbrooke et expert en droit du travail, a commenté cette situation sans se prononcer sur la véracité des allégations. Il a noté que les plaintes évoquent des dispositions antibriseurs de grève prévues dans le Code du travail, ce qui signifie que ce cas pourrait avoir des implications significatives pour la jurisprudence.
C’est assez complexe comme dispositions. Il y a toute une série de situations visées, et qui vont bien au-delà de cette espèce de vision populaire du scab qui traverse la ligne de piquetage.
Finn Makela, spécialiste du droit du travail de l’Université de Sherbrooke
Des enquêteurs du ministère du Travail ont fait une visite au Casino de Montréal le 31 août, à la suite d’une demande formulée par le syndicat. Toutefois, leur rapport n’a pas encore été publié, laissant les employés dans l'incertitude quant à l'issue de cette affaire. Une audience du TAT est programmée pour le 31 octobre, ajoutant une pression supplémentaire sur la Société des casinos et sur les syndicats impliqués.
« C’est ce qui pose problème dans ces dossiers-là, c’est toujours long », a exprimé la présidente de la CSN, soulignant les complications liées aux procédures légales en cours. Elle a ajouté, « il est évident que si certaines personnes réalisent des tâches qu’ils ne devraient pas effectuer, cela prolongera les conflits entre les parties. »
En parallèle, des grévistes du Casino de Montréal ont également organisé une manifestation devant les bureaux de Gexel, une entreprise qui fournit des services de centre d’appels, ce qui a été considéré comme un « fournisseur habituel » pour Loto-Québec, ce qui complique encore plus le débat sur la nature de l'emploi pendant la grève, selon M. Dugas.
PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE
Manifestation de grévistes du Casino de Montréal devant les bureaux de Gexel, jeudi
« Nous restons vigilants concernant l'utilisation de briseurs de grève dans d'autres établissements, y compris pour les opérations de jeux en ligne où nos membres occupent également des rôles de téléphonistes », a expliqué Mme Senneville. À la suite des préoccupations exprimées, les bureaux de Loto-Québec ont également été visités par un enquêteur le 30 août, selon les informations fournies par le ministère du Travail.
Les négociations, qui ont débuté en juin 2022, sont désormais dans une impasse sur la question des augmentations salariales. Le syndicat a exprimé des exigences claires pour des augmentations qui représenteraient « l’équivalent de la hausse du coût de la vie plus 1 $ l’heure », en réaction à la hausse des coûts de la vie. Cependant, Loto-Québec a choisi de ne pas commenter les « détails des discussions » en cours, soulignant qu'ils satisfont les besoins de leurs employés dans d'autres casinos. Son porte-parole a rappelé que « sept autres conventions collectives touchant des employés de même niveau, mais affiliés à d'autres syndicats, avaient été renouvelées dans les casinos en 2022, ce qui avait été accueilli avec satisfaction par toutes les parties impliquées. »