Ce n'était pas seulement une question de chance, mais une habile manipulation. Dans les profondeurs du casino d'Enghien-lès-Bains, une vulnérabilité avait été décelée dans les machines à roulette anglaise électroniques. Un groupe de joueurs rusés a su tirer parti de cette situation, exploitant la faille pour engranger des gains impressionnants.

Treize individus se retrouvaient donc ce mercredi devant le tribunal correctionnel de Pontoise, accusés d’escroquerie en bande organisée pour des actes commis entre février et avril 2017. Lors de l'audience, le procureur a requis jusqu'à six mois d'emprisonnement ferme et 15 000 euros d'amende. La décision du tribunal est attendue pour le 5 septembre, plongeant ainsi les prévenus dans une anxiété palpable.

Les prévenus, en cas de condamnation, pourraient également se voir contraints de rembourser le casino d'Enghien, qui évalue son préjudice à hauteur de 783 000 euros. Cette somme est d'ailleurs contestée par la défense, qui argue que les évaluations ne sont étayées par aucune preuve solide. Les casinos voisins de Carnac, Quiberon, et Vittel, bien qu'affectés d'une manière moins sévère, ont également été visités par certains des présumés complices durant l'été suivant.

Un jeu de manipulation audacieux

Au cœur de la tricherie se trouvait une petite trappe, dissimulée sous la table, où se cachait une manette. Cette manette, proche du plateau où la bille tourne, était un outil de maintenance pour la roulette Novomatic, permettant de soulever le globe qui protège la machine. Cependant, l’activation de cette manette déclenchait immédiatement un « tilt », forçant ainsi le casino à réinitialiser la machine, ce qui entraînait généralement le remboursement des mises. Les prévenus, ayant presque tous admis leur culpabilité, utilisaient cette méthode pour faire tilté la roulette dès qu'ils estimaient leurs chances de gagner s'amenuiser.

En avril 2017, le casino d'Enghien, alarmé par des chiffres déconcertants, a décidé de plonger dans l'analyse des vidéos de surveillance. L’enquête a révélé des preuves de tricherie qui ont choqué les enquêteurs. Lors d'une audience, une vidéo a montré une main agile manœuvrant la manette en moins d'une demi-seconde, une image qui a frappé les esprits.

« On a seulement cinq secondes pour agir et tirer la manette », a confirmé Dylan B., 22 ans, qui se tenait à la barre des accusés. Il était l'un des protagonistes clés de cette affaire, un passionné de jeux d'argent. Le 19 avril 2017, il avait déclenché le tilt de la roulette à huit reprises, ce qui lui a permis, avec ses acolytes, de récupérer un gain total de 80 000 euros. Au total, il a reconnu avoir réalisé cette manœuvre entre dix et vingt fois, justifiant ses actes par un besoin urgent d'argent. Il demeure cependant discret sur l'identité de l'instigateur de cette combine, déclarant simplement : « C'est un homme que je n'ai pas revu depuis. »

L’audience a révélé l'existence d’une organisation bien rodée où les joueurs s'assuraient de couvrir tous les sièges autour de la roulette, empêchant ainsi l'intrusion de potentiels observateurs. Chacun d'eux misait la même somme dans le but de maximiser les gains. « À la fin de la journée, il y avait un partage, tout le monde était à égalité », témoigne Dylan, originaire de Lizy-sur-Ourcq (Seine-et-Marne), avec une certaine fierté.

« Sur le moment, le risque semble illusoire »

Kamel, 31 ans, un résident de Cergy, a témoigné avoir poursuivi ses activités de tricherie lors de sessions à travers le pays en août. « Pour nous, le jeu est une passion. Si une opportunité de tricher se présentait, nous en profitions sans hésitation. » D'autres, cependant, semblaient moins engagés dans cette dynamique. Jordan, 20 ans, de Drancy (Seine-Saint-Denis), a précisé qu’il n’avait triché qu'une seule journée, craignant les conséquences. « Je n'étais pas prêt à prendre de risques. C’était trop dangereux à cause des caméras. Pourtant, sur le moment, on n’y pense pas, on est juste pris par l’euphorie du jeu. » Abdoulramane, quant à lui, reste impressionné par ses complices plus aguerris. « Ils osaient placer d'énormes mises sans jamais montrer le moindre signe de peur. Ce sont de véritables strategistes du jeu. »

Malgré l'ampleur de cette affaire, l'enquête menée par la direction centrale de la police judiciaire n'a pu établir de lien de complicité au sein même du casino, laissant planer le doute sur le fonctionnement et la sécurité des machines de jeu.